Grand-mère et son jardin – Laos

Parfois, même je dirais souvent, l'aventure offre de belles surprises. Laissez-moi vous compter l'histoire de cette photo. J'arrivais avec mes amis au bord du Mékong après avoir passé la frontière entre le Cambodge et le Laos. Si vous n'en avez jamais entendu parler cette région s'appelle les 4000 îles. C'est une zone ou le Mékong, fleuve immense d'Asie, a plus d'espace pour s'étendre dans les plaines. Il a donc formé de nombreuses îles. Dont certaines sont habitées.

Notre objectif est de prendre une petite barque pour se rendre sur la plus grande d'entre elles. Sur la barque nous sympathisons avec le batelier qui nous propose une sortie le lendemain soir pour faire un tour entre les îles. Il nous dit connaitre un endroit agréable pour voir le coucher de soleil. Nous saisissons l'occasion et nous voilà le lendemain, après une journée à visiter l'île et se baigner, retrouver notre nouvel ami. Nous partons.

Durant le trajet le silence règne. Nous sommes en contemplation devant le spectacle qui s'offre à nous. J'avais plus l'impression d'être sur une mer peu agité que sur une rivière. Les étendus d'eau sont si immense qu'elles s'estompent derrière une lointaine brume d'évaporation. En croisant une petite île nous tournons tous la tête pour admirer un arbre majestueux. Le long d'une autre nous passons devant quelques habitations et un temple bouddhiste. Nous croisons un père et son fils manifestement rentrant de la pêche sur une toute petite pirogue. Puis d'un coup notre embarcation sort d'entre les îles. Et ce que je croyais être une immense surface d'eau devient une sorte de lac encore plus immense. Le soleil se couche presque, il nous éblouie légèrement en se reflétant dans l'eau. Notre guide très calme jusque-là crie un coup pour se faire entendre par-dessus le bruit du moteur. Il nous montre une petite masse au loin. J'ai l'impression que c'est un petit banc de sable sur lequel il y a un peu de végétation. Deux minutes plus tard nous accostons sur le banc de sable.

Effectivement il y a de la végétation, même de l'agriculture. Quelques roseaux nous empêchent de voir le bout de notre petite île. Mais je ne l'imagine pas faire plus de 100 mètres et au plus large 15 mètres. Le sable est fin, sur le bord il y a une sorte de rizière de quelques mètres carrés et 10cm d'eau. Plus loin sur la terre ferme des plantes que j'identifie être des pieds d'haricot. Nous profitons du moment pour contempler le coucher du soleil et faire quelques photos souvenir. C'est là qu'une charmant dame se faufile entre les plantes. Avec cette démarche caractéristique des personnes ayant bien vécu et beaucoup travailler physiquement, elle nous adresse un magnifique sourire au quel il manque quelques dents. Elle nous dit quelques choses au quel nous ne pouvons répondre qu'avec un rire gêné. Nous ne parlons pas le Laotien (sauf politesses de base). Voyant qu'on ne peut pas répond elle nous fait un signe de la main. Un signe universel mais qui m'a rappelé ma grand-mère quand elle veut me faire comprendre que quelques choses n'est pas grave, en gros "laissez tomber". Elle nous adresse un dernier grand sourire désolé et commence à arracher les mauvaises herbes dans la petite rizière.

La scène est juste incroyable avec l'immensité d'eau et cette femme seule sur sa petite île faisant son jardinage. J'ai eu l'impression de voir une personne avec une incroyable liberté travaillant dans un environnement idyllique. Le genre de scène qui apaise votre cœur et en même temps fait un petit pincement de nostalgie. On a tous connu un moment de liberté/quiétude similaire.